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TRASHMOVIES
4 mars 2009

VICKY CRISTINA BARCELONA

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Sorti fin 2008, en octobre exactement, le dernier film de woody allen est très intéressant à de nombreux égards.

Deux jeunes femmes que tout oppose dans leurs conceptions de la vie et de l'amour vont partir en compagnie d'un artiste rencontré une heure avant, pour un week end d'hédonisme profond en Espagne. Ils en ramèneront des expériences, des questions, et des secrets. Dès lors les deux femmes vont articuler leur existence autour de cet artiste, l'une de manière directe en devenant sa maitresse, et l'autre de manière indirecte, l'aimant en secret de son mari. Seulement il est toujours terriblement amoureux de son ex femme qui a failli le tuer... Il serait inopportun de dévoiler plus avant les péripéties du film car ce dernier est justement basé sur l'impulsivité propre aux périodes de choix amoureux, et à ce titre doit être une découverte.

Le bonheur, le destin, par Woody Allen

La définition du bonheur, quel que soit son support (scientifique ou artistique), est bien entendu une quête si subjective qu'elle ne peut être qu'impossible à réaliser. Toutefois il est possible de proposer des définitions ponctuelles et personnalisées de ce concept. C'est dans ce cadre que s'inscrit Vicky Cristina Barcelona.  Vaste projet donc, dont l'entreprise seule souligne une certaine grandeur chez celui qui le mène. Apparemment selon le réalisateur, la félicité est le fruit du destin, au sens déterministe du terme, ainsi que l'envisage Auguste Comte, et non ce vaste « rouleau de l'inconnu » dont est hantée la mythologie scandinave. Le moment de la vie ou se trouvent les héroïnes durant le film, est par essence le creuset de ce déterminisme. En effet, il s'agit du choix. La fin des études, l'âge préadulte, vierge de toute expérience de choix durable, car on le sait seule l'expérience permet de vivre. Avant l'expérience on parle d'inconnu.

À ce titre l'encadrement du film est remarquable, les premières scènes sont des plans de montée d'escalator, ou les deux jeunes filles s'élèvent vers la frénésie croissante de l'inconnu. Elles vont de gauche à droite de l'écran, ce qui est le signe cinématographique de l'action et du positif. Quant aux derniers plans du film, ce sont les deux même jeunes filles empruntant le même Escalator, mais cette fois en descente, comme désabusées, désenchantées, et bien entendu: de gauche à droite de l'écran.

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Le destin est fruit de la volonté en ce sens que c'est sur le « oui » que Cristina adressera à Juan antonio, que débutera toute l'histoire. Dès cet acte de volonté, l'existence alors vide de cristina, va se remplir de sens. Et celle déjà organisée de Vicky va s'en dénuer. En dehors du choix, en dehors de l'impulsivité quasi animale de l'homme, en dehors de l'accumulation d'expériences, il n'y a rien. Il n'y a qu'ennui, monotonie, vide, et mal être ainsi que le souligne l'histoire de Vicky. Pour faire court, Allen considère qu'être heureux c'est être en perpétuelle renaissance, une sorte de phénix sans cesse goûtant les délices de la force d'esprit nécessaire au changement. Il va même plus loin, en explorant la polygamie et le bisexualisme, (le ménage à 3 pour être plus clair). 

Chez Cristina le bonheur est ponctuel, car il est vécu dans l'instant, et par ce biais seulement il est réel. Vicky qui a choisi la continuité, la durabilité et le couple, revient bouleversée de Barcelone, comme prisonnière d'une existence qu'elle subit. Son amie à l'inverse, a agi selon son cœur, selon son âme, c'est à dire en parfaite fusion avec la vie, le devenir, le destin... et non en prévoyant à l'avance un chemin à sens unique.

 

De « match point » a « vicky cristina barcelona »

Bien entendu il n'y a pas de suite au sens chronologique, ou narratif du terme entre ces deux pellicules. Mais la sensibilité du réalisateur, demeure d'une œuvre à l'autre. VCB apporte en premier lieu quelques compléments à son prédécesseur. Tout d'abord, il faut noter l'apparition de la cattharsis qui faisait cruellement défaut dans MP. Les pulsions sont ici contenues, et se limitent à une égratignure. Là où l'homme volage tuait son amante, l'ex femme jalouse ne fait que blesser sa concurrente. En second lieu, il n'y a pas de binarité. MP était clairement binaire et n'envisageait que le malheur (le déterminisme forcé du couple), et son alternative (la luxure) malheureuse. Or VCB dépasse cette binarité en proposant l'alternative qu'est la plénitude de l'être, du plaisir raisonnable et raisonné...  Cependant, et c'est là toute la beauté du film, on comprend que le véritable amour ne peut durer. Maria Elena et Juan antonio ne pourront jamais s'entendre, Cristina ne pourra pas s'adapter. Il s'agit de relations extrêmement intenses pendant un moment, mais que le temps finira par ronger puis détruire, car elles ne sont pas viables. On peut y voir une éloge du désespoir amoureux par woody allen, qui voit dans ce phénomène comme des paliers vers la joie, la vie, le plaisir... C'est clairement le personnage de Maria Elena qui donne au film toute sa complexité et tout son charme. Elle est comme intemporelle, passé et futur, belle, intelligente, violente, mystérieuse...  Et c'est par le biais de sa vision de la vie que va s'instaurer leur triolisme, qui est une véritable performance existentielle, et marque les plus beaux passages du film.

Vicky+Cristina+Barcelona+Movie+Stills+byZ-fBc3YcUl

En second lieu Woody Allen, montre dans VCB deux visions antagonistes de la vie. Alors qu'il n'en laissait voir qu'une dans MP. Cet antagonisme est fort, ne serait ce que sur la forme: une blonde / une brune, une femme mariée / une femme célibataire...  Mais aussi sur le fond, car la vie emprisonnée dans les pactes et les convenances n'est apparemment pas celle qui sied le mieux à l'épanouissement artistique. En effet la liberté d'esprit, l'affranchissement face aux diktats sociaux, semble être le creuset où fond le réel, pour devenir l'or spirituel (la quête du beau par la création artistique). Finalement l'amour quel que soit sa forme, est ici considéré comme fugace, voire irréalisable. Ce qui a mon sens est extrêmement lucide car il est vain de tenter une objectivation du phénomène amoureux hormis peut être, de manière méthodique comme l'a fait Ovide dans "l'art d'aimer".

Pour conclure: Woody allen affine sa recherche de l'amour parfait et du bonheur, il en trouve une illustration dans la liberté sexuelle et la liberté de manière globale, ainsi que la création, le beau, la pensée... Et en négatif il condamne le mariage, la monotonie, le matérialisme, le conformisme. Beau film!


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