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TRASHMOVIES
21 décembre 2007

ORANGE MECANIQUE

Alex20

Orange mécanique est un film qui a fait couler tellement d’encre qu’il serait bien présomptueux de vouloir prétendre à le critiquer efficacement. Cependant l’analyse diffère quelque peu de la critique en ce qu’elle est neutre d’appréciations. Je vais donc me livrer à une analyse succincte du chef d’œuvre de Stanley Kubrick.

Alex, un jeune délinquant, qui avec sa bande d’amis mène une vie de tabassage et de sexe violent. Ledit adolescent est arrêté, et soumis à un traitement curatif de la délinquance. Une fois ressorti, le film montre que l’homme n’est en réalité que très peu façonnable à merci.

Le film est en fait la transposition cinématographique du roman de James Burgess écrit dix ans auparavant. Tout d’abord, dégageons en les « topics », ou thèmes majeurs. Par ordre d’importance : le totalitarisme des sociétés, la violence, le sexe, et la culture. Pareils thèmes laissent rapidement deviner que le film est philosophique, ou quasi philosophique, car il met en exergue ce que l’homme fait en tant qu’animal intelligent, et la manière dont la société façonne cette animalité pour concevoir le « civilisé ».


Violence gratuite et sexualité bestiale

Alex, et sa bande, sont des personnes violentes. Mais il convient de bien saisir le sens conféré par le réalisateur à ce terme. En effet leur fougue n’est pas quelque chose de contestataire ni même d’intéressé financièrement. Alex vit chez ses parents, il a des gouts artistiques raffinés, et mène une vie matérielle aisée. C’est pourquoi Kubrick appelle son attitude « l’ultra violence ». Or il n’y a pas de violence plus brutale que celle exécutée gratuitement, par plaisir. La scène de tabassage du clochard est plutot explicite de ce point de vue.

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Cette bande de jeunes entretient également un rapport à la sexualité extrêmement sauvage, et viscéral. Le sexe dans le film se présente comme une religion, une sorte de drogue suprême dont on voit les idôles se dresser sur des estrades. Kubrick semble également vouloir dire qu’il s’agit d’une obsession de l’humain. Une obsession perpétuelle qu’il a choisi de « matérialiser » dans son film avec des décors érotiques. (notons au passage que les peintures érotiques sont les œuvre de Madame Kubrick). En bref on rejoint ici l’animalité, un sexe sans frontières, qui est un besoin pulsionnel plus qu’un artifice bourgeois éventuellement dicté par une morale contestable. C’est d’ailleurs le fondement de la scène de viol. On ressent dans cette scène, comme un accouplement des mâles sur l’unique femelle, une bestialité non retenue, au détriment du dernier mâle, trop vieux, qui ne peut rien.

 

Politique et culture, déchéance et grandeur de l'esprit humain

Kubrick dans ce film, va de manière magnifique, montrer toute l’erreur d’un système. L’idée maîtresse est que la société nous conditionne à ce qu’elle appelle le « bien », et qu’il s’agit en définitive d’une invention de l’homme pour mieux conditionner l’espèce, et ainsi conserver longtemps le pouvoir sur une nation. Aussi la morale est sous jacente à la politique, et toute deux ne sont que purs artifices. Ce qui n’est pas sans rappeler certains romans de la même époque, notamment 1984 de Georges Orwell, où encore le meilleur des mondes d'Huxley. Kubrick va critiquer en profondeur cette société qui tend à tout contrôler, et à castrer coûte que coûte les pulsions primaires de certains hommes, voire de tous. Son message est clair : c’est chose impossible. Même la tentative opérée par le pouvoir pour tenter de guérir chimiquement la délinquanc est un échec. Voulant pétrire selon son « diktät » chacun de ses membres, elle tente de les modeler de manière quasi plastique, se heurtant fatalement à la matière brute de la personnalités. Et si à bien des égards orange mécanique est anachronique, il a ceci de grandiose qu’il dénonce ce type de manipulation insidieuse mais pourant réelle, toujours bien présentes aujourd'hui.

orangemecanique

Toutefois Stanley Kubrick ne condamne pas totalement l'homme et le gachis qu'il a fait de la globalité sociale, reconnaissant que ce dernier détient encore le pouvoir d'émerveiller par le beau. En fait, il imprime sur la pellicule une ôde à l'art en tant que tel. En effet, le héros, alex, est quelqu’un de cultivé, qui entretient une vénération pour Beethoven. Il y a dans cet amour incongru une étincelle de salut. On est immédiatement tenté de se rappeler cette parole de Dostoïevski, qui à mon sens, est une des plus belle phrase jamais écrite de main d’homme : « la beauté sauvera le monde » (in :les frères karamazov). Car même la pire crapule peut être transcendée, et magnifiée par son amour de la beauté. Dans les moments ou il écoute Beethoven, alex n’est plus violent. En effet ne peuvent décemment cohabiter violence et beauté pure en même temps. Cependant, le réalisateur expose le fait que l'amour du beau a quelque chose de désespéré parce que cela ne permet pas de trouver le salut aux yeux de la justice des hommes. Aussi Alex va être éliminé, mais avant cela il va être diabolisé de manière symbolique. Je veux parler de la scène où l'on voit Alex, placé entre ses deux amis devenus policiers, celui de gauche porte le numéro 665, et celui de droite, le numéro 667, Alex, au centre est donc implicitement marqué du 666, signe de la bête. 

Il me semble que le film pourrait occuper quelques centaines de pages d’analyse et de critiques tant il est dense, car dans cet article à aucun moment nous n’avons traité de la réalisation, ni même de certaines scènes clés comme celle de la baignoire ou du repas de fin.


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Commentaires
M
Jolie critique, je ne pense pas avoir déjà laissé de commentaires sur ton site? C'est désormais chose faite, même sur une critique datant de 2007... <br /> Je vais juste revenir sur un point de ce film, qui est à mon sens son défaut le plus évident, et paradoxalement, peut être pas sa plus grande qualité, mais tout au moins son point le plus intéressant : son age.<br /> Le roman de Burgess était à l'origine un roman d'anticipation, ou tout du moins, il peut être considéré comme tel. On le sait, le problème de l'anticipation est de mal vieillir, d'autant plus lorsque le roman pullule de dates (j'aurais aimé pouvoir lire 1984 dans les années 70 d'ailleurs...).<br /> Orange mécanique expose un monde dans lequel la violence sera devenue tellement horrible - et surtout tellement gratuite- que la société sera incapable d'y répondre et avant tout, incapable de la comprendre. On peut ajouter que l'incompréhension est mutuelle, je pense notamment à l'interprétation très personnelle d'Alex de l'ancien testament. Pour y pallier, la seule réponse de "l'autorité" sera la destruction de l'être qu'elle ne peut pas contrôler, y compris la destruction de ce qui reste "pur" (cf : Beethov)dans la personne; je ne m'étends pas la dessus, tu en as déjà parlé mieux que moi.<br /> <br /> Or, si l'on montre ce film à quelqu'un qui ne l'a jamais vu et le rattache uniquement au terme d'"ultra violence", celui ci haussera gentiment les épaules et te gloussera au nez :"Sans rire, c'est ça l'ultra violence? j'ai vu pire dans dawson!".<br /> Alex a vieilli, le film avec lui et c'est là le hic. On pourrait alors se dire que l'oeuvre n'est plus si choquante qu'elle l'était auparavant, et qu'elle a perdu ce qui faisait sa force.... ou peut être pas. <br /> Car si cette violence autrefois insoutenable est aujourd'hui quelconque à nos yeux, cela ne veut il pas dire que Burgess avait raison? Que notre perception n'est au final, pas si différente de celle d'Alex?<br /> <br /> Sur ce, j'arrête les divagations cinématographiques/littéraires; mais il faudra que tu m'expliques ce qui te pousse à dire qu"eyes wide shut" représente le plus grand film de Kubrick, ça fait un bail que je ne l'ai plus vu, et je me le repasserai à l'occasion mais il ne m'avait pas laissé une très bonne impression je dois dire.
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